mercredi 9 mai 2012

Europe : Lettre à un ami grec déboussolé

Cher Demetrios,

Toute l'Europe a les yeux tournés vers ton  pays. Il y a de quoi y perdre son latin (ou plutôt son grec). Ainsi , chez vous , les extrêmes se rejoignent pour tenter de faire cavalier seul. Cela m'étonne s'agissant d'un pays que l'on dit en faillite. A croire que le chant des cigales berce vos nuits et que vous n'entendez pas encore les signes avant-coureurs de l'orage.

 Comment imaginer que vous retourniez à la drachme ? les médecins qui - contre euros trébuchants - vous faisaient de beaux certificats permettant d'obtenir des pensions d’invalidité, ces médecins, dis-je, accepteront-ils d'être payés en monnaie de singe ? Non, Demetrios, il vous faudra payer en dollars car la drachme ne vaudra plus grand chose. Votre pétrole aussi, il faudra le payer en dollars ( à moins que vous décidiez de ne plus acheter de pétrole à l'Iran, un de vos principaux fournisseurs, je crois).

Lorsque je vois vos partis extrêmes se rejoindre, je me demande ce qu'il demeure de la démocratie grecque: Pourrais-tu te rendre à Delphes et interroger la Pythie?Pour cela, je t'enverrai quelques euros car la Pythie n'acceptera pas vos drachmes anciennes.

Tu me dis , dans ta récente lettre, que ton peuple souffre et que les terrasses des cafés se vident. Tu me dis aussi que sur le chemin escarpé qui mène à l'acropole, les cigales s'étaient arrêtées de chanter. Je veux bien le croire: les cigales ne chantent que l' été - un seul - alors que les fourmis besogneuses ne voient pas passer les saisons. Je sais par avance ce que tu me répondras : les fourmis besogneuses, accaparées par le travail, n'ont pas le temps de voir le ciel bleu et les grecs veulent avant tout entendre le chant des cigales . Ami Demetrios, c'est que les fourmis sont parties en orient extrême et elles font plus de bruit que vos cigales . C'est bien dommage de vous sentir nous quitter, emportés par un parfum envoûtant qui n'a plus cours même en orient. 

Je profite de cette lettre pour te dire qu'ici, en Europe (donc loin de chez toi ) nous allons nous mettre au travail pour que les cigales tempèrent leur chant et que les fourmis ne soient pas systématiquement écrasées par des sandales spartiates. Un chantier se met en place , aussi important que celui de votre acropole. Hélas, nous n'avons pas de Phidias mais je crois que nous allons trouver quelques compagnons qui se rallient à Démosthène. Il est maintenant question de "refonder " notre Union européenne. Demetrios, tu ne nous en voudras pas mais nous allons probablement garder chez nous votre déesse Europe. Elle nous a dit d'ailleurs qu'elle se trouvait bien ici et qu'elle aimait voyager: Bruxelles, Paris, Berlin, Madrid, Rome ...et même traverser la Manche.

Je regrette vraiment, mon cher ami, que vous vouliez voler de vos propres ailes. Fais tout de même attention et souviens toi d'Icare. 

Je te donnerai de mes nouvelles courant juin : je t'assure que nous n'entendrons plus alors le chant des sirènes. Ni celui des cigales d'ailleurs. Mais , tu le sais, j'aime plus que tout notre Ode à la Joie. 

Transmets mes amitiés à ta famille avant le voyage dont tu me parles et qui doit , me dis-tu, vous amener à Charybde avant de rejoindre Scylla.

Ton ami qui souhaite qu'un vent favorable t ' accompagne , toi et les tiens.

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