jeudi 27 février 2020

Crise sanitaire : Homo (non est) Deus ...



Homo Deus, tel était le titre du best seller de Yuval Noah Harari (1) retraçant le cheminement de Sapiens depuis le début de l'humanité . Selon l'auteur - qui constate sans approuver - ce chemin devait quasiment mener l'Homme à la porte des étoiles (Homo Deus) à grand renfort d'algorithmes , de big data , de séquençage d'ADN etc...Pour Harari , il s'agissait de passer à une autre étape : finies les thérapies "purement médicales " et droit devant vers la réalité augmentée , l'intelligence démultipliée ... and so on . 

Or la crise sanitaire mondiale actuelle montre , au contraire , qu'en dépit de nos connaissances du génome , de l'ADN , des progrès des biotechnologies nous continuons à tâtonner et que l'on ne peut instantanément "déminer " une épidémie en dépit des compétences mobilisées . Il existe, on s'en aperçoit, un "plafond de verre" qui montre que Sapiens n'est pas encore parvenu au stade de l'Homo Deus . Tel un albatros l'Homme ne sait encore que faire des ailes ... qu'il croyait avoir . 

Certains diront que cette crise - si elle est maîtrisée - sera salutaire : nous rééquilibrerons probablement nos échanges avec l'Asie , nous ne serons plus autant dépendants de "l'usine du monde " (60 à 80 % pour les médicaments et les micro-technologies ) . En attendant , nous espérons : Homo non est Deus .

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(1) Yuval Noah Harari :  Homo deus , une brève histoire du futur  (Albin Michel 2017 pour la traduction française)

lundi 24 février 2020

Chine : carambolage, sortie de route ...ou simple accident de parcours ?



Alors que la Chine s'apparentait sinon à un modèle politique du moins à un modèle économique la voici désormais brisée dans son élan . La "Route de la soie " véhicule toutes sortes de choses et les virus ne sont pas seulement informatiques . 

Sans dramatiser une situation qui vire parfois au fantasme il faut admettre que si la culture traditionnelle chinoise est une référence en revanche les pratiques comportementales (notamment alimentaires) semblent tout droit sortir du moyen-âge . Elles compromettent la santé de l'Empire du Milieu ...et au-delà .

2049 reste probablement - encore et toujours - un objectif mais de nombreux galets sont sur la route de la soie . Et tout le monde n'y roule pas à la même vitesse . Sans vouloir à tout prix jeter la première pierre n'admirons pas benoîtement celles de la Grande Muraille : saluons la  "bravitude"'(sic) chinoise sans tomber dans la béatitude  .


mercredi 19 février 2020

Climat : En attendant Glasgow ...



La COP 25 qui s'est tenue en décembre à Madrid a tourné en rond et , dans l'attente de la COP 26 à Glasgow , les participants ont "attendu Godot" : aucun engagement ferme n'a été pris - au-delà des déclarations d'intention - concernant la réduction de gaz à effet de serre . C'est d'ailleurs là tout le problème découlant du protocole de Kyoto (1997)  : seuls les pays "industrialisés" (membres OCDE) assument l'obligation de s'auto-réguler en matière d'émission de gaz à effet de serre (1).

En outre le marché des quotas de carbone , largement discuté , ne semble pas faire l'unanimité : pour certains , il s'agirait d'une passoire puisque les Etats qui ont dépassé leur quota d'émission peuvent échapper à des pénalités en achetant des "droits d'émission " aux pays moins pollueurs qui peuvent vendre les quotas ainsi "libérés". A Madrid ce point a été soulevé : l'échange de quotas ne se traduirait pas - du fait de la compensation - par une diminution nette de l'émission de carbone .

Les incendies au Brésil et en Australie, les cyclones, les inondations sont , en dépit des affirmations de Donald Trump , les signes avant-coureurs de ce qui attend la planète : les experts du GIEC considèrent probable une augmentation de la température fin de siècle de + 3 degrés , bien au-delà de la barre haute de + 2 degrés que prévoyait l'accord de Paris de 2015 . Dans cette situation des territoires entiers seraient submergés et non pas seulement dans les Etats insulaires .

A Madrid , la France a été bien discrète me dit-on . Les objectifs de la COP 21 ne seraient-ils plus prioritaires ? Qu'est devenu l'axe Paris-Pékin ?  Et qu'en est-il du Japon et des mines de charbon (28% du mix énergétique) qui ont la faveur du METI ? Donald Trump et son "charbon propre " serait-il passé par là ?

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(1) Les  37 pays dits de l'annexe 1 , seuls engagés sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

mardi 11 février 2020

LINKY : La CNIL rejoint la Cour des Comptes



 La CNIL vient de formuler un avis assorti d'une mise en demeure concernant EDF et ENGIE pour non conformité avec les obligations découlant du règlement général sur la protection des données (RGPD) . En cela la CNIL rejoint les réserves déjà émises par la Cour des Comptes : dans son rapport du 14 Février 2018 elle pointait le risque d'exploitation des données personnelles , ce que relève à son tour la CNIL maintenant .

Au-delà de ces considérations - non négligeables du fait de la prochaine arrivée de la 5 G - la Cour  relevait que la pose des compteurs Linky procurait un avantage financier exorbitant à ENEDIS (10, 3 % de la valeur actualisée des actifs en raison des modalités de rémunération du différé tarifaire) . 

Dans ce contexte où la raison se heurte parfois aux fantasmes il serait bon de remonter aux sources : en particulier la directive européenne 2009/72/CE du 13 juillet 2009 . La Commission suggérait la pose (non obligatoire) de compteurs "intelligents" afin de favoriser la concurrence et donc un bénéfice - ou une économie - pour le consommateur final . Et la Cour concluait (p 263 du rapport annuel de février 2018 ) : "Les gains que les compteurs peuvent apporter aux consommateurs sont encore insuffisants . Ce sont pourtant eux qui justifient l'importance de l'investissement réalisé". 

L'augmentation de 8% (2018 -  2020) des tarifs d'électricité laisse désormais ouverte la question de la concurrence dont devait bénéficier le consommateur, concurrence dont les compteurs linky devaient être , pour la Commission européenne , les leviers "intelligents " . Par ailleurs  75 % de la production d'électricité étant , en France , d'origine nucléaire les coûts de production  devraient donc être "lissés" et les coûts d'acheminement limités puisque soumis à concurrence ...si tant est que la concurrence existe réellement .

dimanche 2 février 2020

Brexit : Et Lancaster House ?



Nos amis britanniques oublieraient-ils le traité de Lancaster House signé en novembre 2010 par Nicolas Sarkozy et David Cameron ? Ce traité prévoit une coopération étroite dans le domaine militaire entre le Royaume-Uni et la France (force expéditionnaire commune, Etat-major commun , coopération renforcée dans le domaine nucléaire militaire ...) .

Or, selon Le Figaro (1) , les diplomates britanniques viennent de recevoir pour instruction "de rompre avec leurs anciens alliés européens " . Il serait curieux - pour ne pas dire loufoque - que nos amis britanniques fassent siège à part en cas de coup dur relevant du traité de Lancaster House

C'est probablement une stratégie de Boris Johnson que de hisser les voiles et de sortir les canonnières afin de pousser l'Union à conclure avant décembre prochain dans le sens souhaité . Un coup de Trafalgar en somme . Mais n'est pas Nelson qui veut ... 

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(1) cf. lefigaro.fr du 2 février 2020 (article d'Arnaud de la Grange)

samedi 1 février 2020

ENA : l'Ecole " bouc émissaire " ne croit pas en sa disparition



A quelques jours de la remise du rapport de Frédéric Thiriez les anciens élèves (et les futurs candidats) s'interrogent : va-t-on supprimer l'ENA ? Tout comme Daniel Keller , le Président de l'association des anciens élèves , je ne le crois pas : sans être un modèle exclusif l'ENA est souvent considérée , à l'étranger , comme une référence . Je me souviens - il y a bien longtemps - comment en Tunisie on avait attaché d'importance à la création d'une ENA tunisienne , levier de l'émancipation que souhaitait , à l'époque , Habib Bourguiba . D'autres pays (l'Egypte tout récemment) ont entrepris de s'inspirer de ce "modèle ". 

Comme l'a souligné Daniel Keller lors de l'assemblée du 23 janvier dernier les critiques faites à l'Ecole relèvent du "bashing" car les arguments ne tiennent pas : la promotion actuelle est largement provinciale (55% des élèves) et toutes les catégories sociales sont représentées . Voudrait-on finalement supprimer le levier du mérite démocratique et faire retour aux concours particuliers ouvrant tout droit la boite à Pandore du népotisme ? La volonté de suppression de l'ENA ne serait-elle que la caisse de résonance des contestations tout comme celle des"Gilets Jaunes " ? Il est cependant bien difficile d'imaginer qu'Emmanuel Macron veuille tirer un trait sur ce qui a conduit Michel Debré au lendemain de la 2ème guerre et avec l'ardeur de la Résistance à privilégier le mérite plutôt que "l'entre-soi".

C'est pour cela que je ne crois pas à la suppression de l'ENA quand bien même Frédéric Thiriez envisagera probablement des améliorations : unification de certains concours , ouverture "technique" ( ingénieurs ) , montée en puissance du volet économique de l'enseignement (cf. MBA) . Par contre - et pour répondre à ceux qui crient "au loup" par dépit ou envie - l'esprit de Service Public qui est la raison d'être première de l'Ecole demeurera . Dès lors, on aurait tort , par anticipation , de "vendre la peau de l'ours".