dimanche 23 août 2020

Ensauvagement : le paradoxe du "temps des barbares"



Notre société est sur la pente glissante d'un "ensauvagement " ainsi que le constate à juste titre Gérald Darmanin . Le temps des "sauvageons" (selon l'expression de JP Chevènement d'il y a 20 ans) monte en puissance au rythme des dérèglements qui ne sont pas seulement climatiques : un match de gagné ou de perdu ensauvage les champs Élysées ,  un rappel à propos des gestes "barrières" devient un appel au meurtre ...et la séquence pourrait continuer car elle n'a pas de fin . 

Pour autant notre société baigne dans une totale inconséquence : ainsi que l'écrit Peggy Sastre dans sa chronique du Point (1) les journalistes n'ont jamais été aussi précautionneux et les relais d'opinion n'ont jamais autant pris garde à ne point blesser (par la plume) ...alors même que la haine et les trop pleins de bile se déversent sur les réseaux sociaux . 

C'est bien là le paradoxe du "temps des barbares" : la violence d'un côté et de l'autre les "cocons" qui se multiplient à l'envie pour éviter de heurter les groupes , les minorités , les individualités . C'est un paradoxe de constater que l'aménité devient faiblesse et fait le lit de "sauvageons" que Chevènement disqualifierait désormais en faisant le même constat que Darmanin . Ce constat n'est sûrement pas nouveau mais le contraste est plus que jamais saisissant .


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(1) Hebdo Le Point du 13 Aout 2020 p. 97 . Intitulé de la chronique "Ne blesser personne, le nouvel impératif " .

jeudi 20 août 2020

Steve Bannon : Tel est pris qui croyait prendre



Steve Bannon , ex - conseiller de Donald Trump et son ancien directeur de campagne en 2016 , vient d'être inculpé de détournement de fonds récoltés à l'occasion d'une campagne pour aider à l'édification du mur "anti-immigrants" à la frontière mexicaine (1) . Ces sommes auraient servi à couvrir ses dépenses personnelles  . Ce ne serait qu'un épisode de plus de corruption qui touche d'anciens dirigeants (cf. l'ex-roi d'Espagne) si ce n'est que M. Bannon nous a inlassablement abreuvé d'un discours hyper- moraliste (2) .

Par ailleurs , M . Bannon qui se voulait patriote et d'une probité virginale incitait - tout comme à la frontière mexicaine - à " dresser des murs " en Europe afin de tuer dans l’œuf l'émergence d'une Union européenne qui aurait pu porter ombrage aux Etats-Unis  . On se souvient de ses harangues à côté des gouvernants populistes d'Europe centrale (Viktor Orban) et , à l'époque, avec les dirigeants italiens (Matteo Salvini)  . On se souvient aussi de ses conciliabules avec , alors , le Rassemblement national à la recherche de fonds . Ces éventuels fonds seraient-ils liés au financement du mur mexicain pour lequel M. Bannon doit maintenant rendre des comptes ?

Bien pris qui croyait prendre ou , à tout le moins , nous surprendre avec ses discours "main sur le cœur " et les prêches qui allaient avec au moment où M. Bannon , membre du Tea Party , dénonçait la corruption et le pourrissement de la vie politique à Washington  . Mais en l'absence de tweets du locataire de la Maison Blanche - dont le bail pourrait ne pas être renouvelé - on ne sait pas encore si l'inculpation de M. Bannon , son ex-directeur de campagne ,   a ou non  surpris Donald Trump ... Mais son tweet ne saurait attendre ...

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(1) journal Le Monde du 20 Aout (lemonde.fr)

(2) cf. le  discours prononcé le 27 Juin 2014 par M. Bannon lors d'un congrès au Vatican . Il appelait à un sursaut de l'Eglise dans un monde sans foi  et pourfendait le "capitalisme de Davos " responsable de la paupérisation de nos sociétés : tout un programme !

vendredi 14 août 2020

Israël / E.A.U : vrai accord ou miroir aux alouettes ?



L'accord qu'annonce D.Trump avec "tambours et trompettes" est , il faut l'espérer , peut-être le début d'un plan de paix plus large où seraient réellement impliqués les Etats de la Ligue Arabe , au-delà des seuls Emirats . Toutefois il y a , dans cet accord , un absent : la Palestine . Certes , un des termes de l'accord est la suspension par Israël de l'annexion d'une partie de la Cisjordanie , situation qui aurait rendu impossible un plan de paix avec la perspective de 2 Etats (Israël , Palestine) conformément aux décisions et recommandations de l'ONU . 

Les uns (Netanyahu  ) et les autres (Trump , Kushner) vont pousser des "cocoricos" . Peut-être ont-ils raison de se féliciter des succès de la diplomatie en renonçant aux épreuves de force ? peut-être cet accord est-il une heureuse escalade en direction d'accords de paix plus larges au moyen-orient ? 

Espérons qu'il ne s'agisse pas , simplement, d'un habillage pour justifier la suspension de l'annexion de la Cisjordanie ...et donner un bol d'air à Donald Trump au moment où le ticket démocrate semble le prendre de court . Mais , plus vraisemblablement , cet accord constitue les prémisses d'une triangulation Etats-Unis /Israël / Arabie Saoudite + Emirats afin d'ôter à l'Iran toute ambition de leadership dans la région .

jeudi 13 août 2020

LIBAN : une épine dans le pied d'Erdogan


Erdogan semble trouver ridicule que le Président Macron se soit immédiatement rendu à Beyrouth après la dramatique explosion du port le 4 août  . Et pourtant il est normal que la France "sœur" des Libanais bien avant le mandat de la Société des Nations de 1920 ait affirmé sa solidarité (précédant d'ailleurs de peu Charles Michel , président du Conseil européen ) . 

C'est que la Turquie dans ses rêves de califat au Moyen-Orient ne peut encore "vassaliser" le Liban écartelé entre plusieurs tendances (maronites , sunnites, chiites) . Il est d'ailleurs improbable que l'Iran (et le Hezbollah libanais ...) laisse la Turquie avancer ses pions dans la "Suisse du Moyen-Orient" . Plus que jamais les initiatives de l'Union européenne sont attendues .

 La Chine a , aussi , des intérêts économiques dans la région . L'Union , elle , a plus que des intérêts économiques et financiers .

lundi 10 août 2020

Sahel : que fait l'Union Africaine ?



L'assassinat de plusieurs ressortissants français , hier, au sud-Niger pose à nouveau la question de l'implication des forces internationales . On sait , qu'outre la France (opération Barkhane) , quelques Etats européens et les Etats-Unis tentent de neutraliser les djihadistes . Mais - outre les djihadistes venus de Libye - il y a en Afrique sub-saharienne un terrain favorable ( pauvreté, corruption, déliquescence des Etats ) sur lequel surfent les "terroristes fous " . 

Dans la mesure où il existe un terrain d'accueil pour les djihadistes les réformes , l'action économique sont prioritaires ...et elles ne dépendent pas que du FMI ou de la Banque mondiale . Certes, l'Union Africaine a promis en février dernier d'apporter un soutien logistique aux forces du G5 mais - outre les 3000 hommes attendus - on attend une implication plus substantielle de l'Union Africaine

Le récent sommet de l'U.A. à Addis-Abeba a démontré les craintes des responsables politiques africains à l'égard d'une gangrène de l'Afrique par les djihadistes déracinés du moyen-orient . Mais il ne suffit probablement pas d'exprimer des craintes . Puisse le dramatique évènement du sud-Niger non pas provoquer un désengagement mais accentuer l'implication de tous : la France certes, l'Union européenne , les Etats-Unis ...et l'Union Africaine , chez elle .

mardi 4 août 2020

Espagne : orage sur la monarchie



Le Président du Conseil , Pedro Sanchez , s'est défaussé sur la "Maison du Roi " (Casa Real ) en éludant les questions posées par les journalistes . Il a invoqué la confidentialité des échanges avec le Palais de la Zarzuela mais il n'a pu démentir que le roi émérite Juan-Carlos 1er avait quitté l'Espagne sans dire où . De fait , la communication gouvernementale apparaît brouillée : effet Larsen ?

Les commentaires , à Madrid , vont bon train : le roi Juan-Carlos aurait trouvé refuge chez un ami  en République Dominicaine ou bien il serait au Portugal où il a passé son enfance (1) . En tout état de cause ce départ de l'ex-monarque a fait l'objet d'un accord entre le Président du gouvernement et la "Casa Real" . C'est la solution qui est apparue "la moins pire" car l'étau se resserre concernant le présumé don de 100 millions $ par l'Arabie Saoudite qui aurait transité par la Suisse, le Panama ou les Bahamas .

Dans la réalité si le Président du gouvernement garde le silence c'est que cette affaire est grave et peut dégénérer en crise constitutionnelle : le Président de la Generalitad catalane , Quim Torra ,  réclame l'abdication du roi Felipe et la gauche radicale (Iglesias , leader de Podemos ) se démarque déjà en regrettant "la fuite" du roi . Car ce départ , pour certains , ressemble à des aveux .

Les Espagnols sont partagés : les plus de 50 ans gardent en mémoire le monarque qui au début des années 80 , a facilité la transition démocratique et fait front en des moments difficiles . Les jeunes espagnols , eux ,  assimilent Juan-Carlos à Tartarin de Tarascon (cf. la partie de chasse au Botswana qui a contribué à le discréditer ) ou aux porteurs d' "euro-valises " depuis la Suisse alors même que son action en faveur de la démocratie a jadis été déterminante . Faiblesse , dérapage ? L'Histoire le dira .

Le roi Juan-Carlos rentrera-t-il un de ces jours au bercail pour - comme il l'assure - se mettre à la disposition de la Justice ? Rien n'est moins sûr dit-on sous les frondaisons du Retiro  ou , s'il revient , assure-t-on  , ce sera masqué . Cependant , plus qu'une comédie , c'est l'acte I d'une tragédie qui s'écrit en ce moment .

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(1) actualisation au 7/08/ . En fait et selon le quotidien espagnol ABC (monarchiste) le roi Juan-Carlos serait à ABU-DHABI (Emirats Arabes Unis) ...tout proche de l'Arabie Saoudite .