vendredi 2 mai 2014

" Lettre " à un ami Espagnol quelque peu désemparé


                                                              Cher Juan-Carlos,


Tu me dis dans ton dernier message que tu viens de défiler ce 1er Mai sur le Paseo du Prado. Tu me dis aussi - en ce jour Dos de Mayo- que tu as eu une pensée pour tes ancêtres qui jadis se rebellèrent contre le Roi José, frère de Napoléon : Ils étaient aussi , à leur manière , déjà des ''indignés". Mais , tu me le rappelles, nombre d'entre eux ont été fusillés dès le lendemain  . Goya , dans son tableau "Tres de Mayo" en porte témoignage . Heureusement nous n'en sommes plus là !

Pour autant, je comprends bien que les jeunes madrilènes qui ont défilé hier - et aussi les retraités durement ponctionnés - se rebellent contre les mesures d'austérité imposées par votre gouvernement. En proportion, les mesures de ''rigueur'' décidées par le Gouvernement Valls en France ont une saveur de verveine alors que , chez vous en Espagne, M. Rajoy a usé - comme au Golgotha - de lances piquées d 'éponges vinaigrées  . La potion , j'en conviens, a été rudement plus amère. 

Certains cependant m'assurent que - sans être une potion magique - le plan de rigueur (qu'a défendu votre vice-présidente au doux nom de Santa-Maria) commence à porter ses fruits : votre balance commerciale s'améliore, le taux de croissance repart de l'avant, bref : vous sortez - on me l'assure - de la crise. 

Tout de même je suis un peu surpris que tu me dises qu'il n'en est rien : les jeunes gens ( et les moins jeunes aussi ) ont un mal fou à trouver un emploi. Ils vivent en colocation ou bien demeurent chez leurs parents si ce n'est pas chez "mémé'' (qui partage en quatre sa pension sans espoir de la voir se multiplier comme lors du "sermon sur la montagne'' que rapporte la Bible .)

 Tu me dis qu'il te reste quand même le soleil de Madrid et que , dans l'attente d'un emploi, il te réchauffe quelque peu . Tu m'écris qu'assis à la terrasse d'un café (du nom de treinta y uno) près de la Puerta de Alcala tu te prends à rêver en regardant passer les madrilènes fortunés au volant de leur Porsche Carrera rutilante. Car - tu me le rappelles - les fortunes s'exhibent en Espagne alors qu'en France elles se cachent en Belgique ou en Russie. Moins en Russie d'ailleurs en ce moment depuis que l'on s'interroge sur le comportement de M. Poutine dont on m'assure que croyant boire une infusion de tilleul il boit régulièrement de la vodka à son petit déjeuner.

 Je suis d'accord avec toi pour déplorer qu'à la veille des élections européennes le silence le plus complet règne : pas de programme, pas de visage de candidats alors que le futur Président de la Commission sera issu de la majorité au Parlement. 

A ce sujet , je n'ai pas bien compris l'expression que j'ai récemment entendue en Espagne : " no me importa un comino '' . Je ne saisis pas mais j'imagine que cela veut probablement dire que la population a ''d'autres chats à fouetter ''. C'est bien là le problème : on considère que l'Union européenne est source de bien des maux alors que sans l'Union nous serions, depuis longtemps, passés à la trappe ...ou bien devenus Chinois.

Enfin, ne soyons pas trop pessimistes : ton expression favorite est "la vida es una fiesta " . Je suis assez d'accord avec toi (Ronsard aussi qui n'attendait pas que se fanent les roses) mais j'ai, cependant, la nostalgie de ce que vous appeliez la Movida dans les années qui suivirent la mort de Franco . Toute l'Espagne dansait et buvait . Je suis persuadé , Cher Juan, que les Espagnols boivent aujourd'hui tout autant mais, peut-être, dansent-ils moins ?

J'espère que dans ta prochaine lettre tu me donneras de tes nouvelles et que l'emploi que tu brigues auprès d'un Conseil Régional  te sera accordé . C'est mon souhait le plus vif . Tu me parles aussi de la Commission à Bruxelles : excellente idée! Mais , je t'en prie, n'évoque surtout pas le poste dont tu m'as parlé à la Douma de Moscou !

Avec tous mes encouragements, je te prie de croire, Cher Juan-Carlos , en ma fidèle amitié,

                                                                                   
                                                                                            Jean-Maurice

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