samedi 18 mai 2013

Révoltes arabes : Les points d'interrogation

 Les révoltes arabes suscitent bien des questions : la pauvreté, la misère en ont été le terrain propice. Pour autant, cette misère a été vite récupérée. Question : y a-t-il un dessein, une logique dans cette traînée de poudre partie de Tunisie et bousculant désormais tout (ou à peu près) le Moyen-Orient ?

1- la misère en est certainement l'étincelle:

Comme on le sait, Tarek (Mohamed) Bouazizi n'avait pas le même profil que Jan Palach, étudiant tchécoslovaque qui s'immola par le feu en 1969, place Wenceslas pour protester contre l'invasion soviétique à Prague. C'est la misère qui conduisit Mohamed Bouazizi , jeune marchand de fruits et légumes de 19 ans à s'immoler devant le gouvernorat le 17 décembre 2010 parce que l'administration (des policiers? ) lui avait confisqué son outil de travail : sa charrette ainsi que sa balance. Or,quel était le rêve de Bouazizi ? s'acheter une camionnette . Tout simplement.

 Plus que la "Révolte de Mai 1968 " qui gagna la France ( et l'Europe) mais qui nous vint des campus californiens (cf.  guerre au Vietnam + mouvement hippie + souhaits d'une croissance économique zéro), les révoltes arabes semblent - au départ - davantage revêtir la forme de Jacqueries démultipliées par l'internet.

2- Ces mouvements - prenant une autre dimension - ont été récupérés en vue d'une transformation en profondeur des sociétés.

En Tunisie et en  Egypte les Frères Musulmans tiennent maintenant les rênes. Ils sont également aux aguets en Libye, en Syrie, en Jordanie. Le droit qui régente la vie en société est désormais la charia. Qui oserait évoquer le mot de laïcité?

Un autre constat : les Frères Musulmans, s'ils sont aux commandes, ne rallient pas pour autant tous les islamistes : c'est ce que l'on peut observer en ce moment en Tunisie où Ennahda se heurte aux salafistes . A contrario, il semble bien que les salafistes aient largement soutenu M. Morsi en Egypte. En sera-t-il encore ainsi longtemps? Les difficultés économiques que connaît l’Égypte en ce moment, la pauvreté galopante semblent plutôt favoriser les salafistes plus proches de la frange la plus démunie de la population. 

Mais qu'ils soient plus ou moins "intégristes"  ces mouvements ont récupéré les élans de protestation, leur ont donné forme et modifié de fond en comble la géopolitique du Moyen-Orient.


3- Les "printemps arabes" ont-ils été suscités ou , au moins, accompagnés?

Sans évoquer - comme certains - les théories du complot, ce n'est un secret pour personne que les États-Unis ont conçu en 2002/2003 la théorie/stratégie du "Grand Moyen-Orient". Ainsi que le Président George W. Bush l'affirmait en janvier 2004 devant le Congrès , l'Amérique prenait l'engagement de favoriser la démocratie et de ne plus soutenir les régimes autoritaires.

 Ce discours (inspiré des conceptions de Dick Cheney et Donald Rumsfeld) était prononcé peu après l'intervention des États-Unis en Irak. Washington cherchait-il à relier cette intervention à un "catéchisme" qui vaudrait aussi pour les autres pays Arabes et, ainsi, légitimer l'intervention en Irak ? Certains le pensent. 

L'appel en 2006 par la Secrétaire d'Etat Condoleeza Rice , à un "Nouveau Moyen-Orient" a-t-il été seulement formulé ou bien structuré en doctrine ? Il en est de même pour la pseudo-théorie dite du "chaos constructif". Est-ce là un concept plus ou moins fumeux sorti des sous-sols d' Harvard ou bien un schéma qui a pu orienter un moment la politique américaine ? Les choses sont probablement moins transparentes.

 Quoi qu'il en soit , il y a une assez bonne corrélation entre, d'un côté, la volonté (positive dans sa formulation et louable dans ses intentions) des États-Unis d'évacuer les régimes autoritaires et,de l'autre, les "printemps arabes" 4 ans plus tard. 

De la même manière on ne saura pas (du moins dans l'immédiat) si l' aide apportée par l'Arabie Saoudite ou le Qatar aux mouvements salafistes relève d'une stratégie en lien avec les printemps arabes ou seulement d'une solidarité entre mouvements et Etats " rigoureusement "sunnites, (solidarité qui a d'ailleurs joué à rebours avec l'écrasement du "printemps" de Bahreïn , place de la Perle, en mars 2011).

 L'on peut cependant s'interroger et faire appel à une autre théorie , celle de "l'arroseur arrosé" : Ryad ou Doha ont-ils vraiment intérêt à susciter des révoltes contre des régimes autoritaires ? Certes, la révolte de mars 2011 à Barhein a été écrasée mais on peut douter qu'il puisse en être ainsi dans toutes les monarchies pétrolières.

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Conclusion (personnelle) : la pauvreté a fait le lit des révoltes arabes. Des coïncidences inexpliquées demeurent : la rapidité avec laquelle les mouvements islamistes ont canalisé ces premières révoltes "d'indignés" tout comme les "bonnes" corrélations existant entre ces révoltes et la réorientation de la politique étrangère américaine après l'intervention en Irak. Il en est de même pour le soutien apporté par les monarchies du Golfe aux Frères Musulmans et aux salafistes qui sont - désormais - aux commandes.






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