dimanche 1 mai 2016

Tunique du Christ (Argenteuil) : foi et science à contretemps



200 000 pèlerins sont venus en mars-avril 2016 à Argenteuil pour vénérer la "Tunique du Christ" qu'abrite la basilique. Cet élan de foi - dans une société bien matérialiste - est à saluer comme se plait à le faire l'hebdomadaire Valeurs actuelles du 24 mars 2016 qu'une amie vient de m'envoyer.

Mais qu'en est-il de l'authenticité de la " Sainte Tunique d' Argenteuil" considérée comme le vêtement porté par Jésus lors de sa crucifixion ?

Prudemment l'évêque de Pontoise (comme ses prédécesseurs) parle d'une icône, d'une représentation. Cette position est , en effet, plus conforme à la réalité. Car - outre l'analyse au carbone 14 réalisée en 2004 par le laboratoire du C.E.A. de SACLAY- les invraisemblances historiques sont nombreuses .

1- L'analyse du CEA  qui est notamment détaillée dans le livre que j'ai écrit en 2005 (1) situe la confection du vêtement entre 530-650. Un autre laboratoire donne une datation 670-880 soit, dans les deux cas, la période du haut moyen âge, période pendant laquelle les reliques fleurissent pour assurer l'ornement, la renommée ...et la richesse des monastères.

2 - Par ailleurs - et selon les experts - la technique de confection de la Tunique  n'est pas compatible avec le mode de tissage des tout premiers siècles au Moyen-Orient (cf. études sur les tissus retrouvés à Doura Europos dans l'actuelle Syrie).

3 - Mais ce que ne dit pas l'article de Valeurs actuelles en dépit de ses 3 pleines pages c'est que le récit de la venue à Argenteuil de la "Tunique du Christ" demeure légendaire : aucun historien ou chroniqueur proche de Charlemagne tels Eghinard , Alcuin, Nithard... ne fait référence à cette arrivée en "grand arroi" (selon la légende) ni au don supposé de cette relique par l'impératrice Irène de Constantinople. De la même manière la soi-disant redécouverte de la Tunique en 1156 en présence de Louis VII des évêques et de sa Cour demeure pure légende : les chroniqueurs n'en touchent pas mot. D'ailleurs Louis IX (Saint-Louis) aurait certainement transféré la Sainte Tunique dans la Sainte Chapelle tout spécialement édifiée pour accueillir les reliques de la Passion (dont la couronne d'épines) . Comment imaginer que Saint-Louis ignorât l'existence de la Tunique du Christ...à quelques lieues de Paris ? Le chroniqueur du règne de Louis IX , Guillaume de Nangis, n'en souffle mot.

Bref lorsque l'on tente de dépoussiérer les légendes , celles-ci se délitent ... .

Comment donc ( dans le contexte relaté de la Tunique du Christ ) accorder foi et science ?
Faut-il plonger dans la physique quantique et se convaincre de ce qu' une particule change de nature et de position une fois observée ? La foi serait-elle de nature vibratoire comme le photon passant de l'état ondulatoire à l'état de particule ? le regard porté sur une relique lui conférerait-il une autre dimension ? Autant de questions.

Comment ne pas comprendre la perplexité du clergé et comment dire ces "vérités" à 200 000 pèlerins venus de bonne foi et que la foi a fait marcher? La réponse est aussi énigmatique et incertaine que la réaction incrédule d'Einstein à propos de la physique des quantas : ''Dieu ne joue pas aux dés ! '' a-t-il dit. Et pourtant ...

Mais l'essentiel est probablement de croire et l'authenticité est probablement secondaire. 
Et pourtant...

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(1) Une si humble et si Sainte Tunique : enquête sur une énigme Jean-Maurice Devals (éditions François - Xavier de Guibert , 2005).





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