samedi 1 août 2015

Mystérieuses reliques : Toute vérité est-elle bonne à dire ?


L'émission de Franck Ferrand "les derniers jours de Jésus " comportait lors de sa première diffusion le 6 avril 2015 sur FR3 différentes séquences relatives aux " reliques de la Passion". Elles ne figurent pas dans le documentaire actuellement diffusé . Certains doutes avaient auparavant été émis quant à l’authenticité de la "Tunique du Christ" vénérée dans la basilique d'Argenteuil .Mais la Tunique appartient - au moins - à l'histoire de cette ville proche de Paris. Qu'en est-il au juste ?

I- LA LÉGENDE :

Selon la légende il s'agirait de la Tunique "sans couture" que portait Jésus avant sa crucifixion et à laquelle se réfère l’Évangile selon Saint-Jean. (XIX, 23-23).Irène de Constantinople qui ambitionnait d'épouser l'empereur Charlemagne pour légitimer son statut d'impératrice de Constantinople lui aurait fait don de cette Tunique . On sait combien l'empereur appréciait les reliques ...mais aussi combien  le miraculeux  parcours de ces reliques s'inscrit dans la légende plus que dans l'Histoire.

II -LES '' OMBRES DANS LA LÉGENDE '' :

a) Qu'en est-il de la soi-disant venue de Louis VII et de celle - en 800 - de Charlemagne ?

A part une brève mention de l'existence de cette Tunique par Grégoire de Tours en 590 (la Tunique aurait été retrouvée près de Jérusalem dans un coffre de marbre d'une incroyable légèreté) rien d'autre...avant que l'on en retrouve la trace en 1156 dans les ruines d'un monastère d'Argenteuil en d'assez obscures circonstances : le parchemin retraçant la découverte de la Tunique insiste sur la présence de Louis VII ,des dignitaires de l'Eglise et de la Cour . Or aucun historien n'évoque cet évènement :   Guillaume de Nangis, dans ses chroniques, n'en dit rien.Plus tard on affirme que ce fut Charlemagne en personne qui vint à Argenteuil dans les années 800 pour donner la relique à sa fille Théodrade abbesse d'Argenteuil.Mais aucun des historiens ou chroniqueurs de l'époque ( Alcuin,  Eghinard, Nithard ) ne mentionne un déplacement qui ne serait pas passé à l'époque inaperçu .

b) Une surprenante référence : un pape bien vivant passe pour mort !

Le document daté de 1156 (et appelé " Charte d'Hugues d'Amiens") comporte un détail qui fait douter de son authenticité : il fait référence au Pape Adrien IV en précisant que ce dernier est mort  "actum est anno verbi MCLVI, felicis memoriae Adriano IIII, feliciter.'' C'est là l'expression convenue (felicis memoriae) pour signifier "défunt".Or en 1156 le Pape Adrien IV est bien vivant puisqu'il obtient la reconnaissance de la souveraineté pontificale de la part du royaume normand de Sicile. Ce parchemin qui avait disparu est opportunément réapparu en 2012 : un paléographe pourrait donc dire désormais s'il est ou non antidaté.

c) Deux éléments qui heurtent le bon sens :

1- l'abbesse Théodrade voulant échapper aux incursions Vikings du 9 ème siècle se retire dans les années 820 au monastère de Munsterscharzach (en Bavière) dont elle est aussi abbesse . Elle mourra en 848 sans que quiconque ait entendu parler de la Tunique du Christ.

2- en 1239 Saint-Louis (arrière petit-fils de Louis VII) achète la Couronne d’Épine pour une fortune et fait construire la Sainte Chapelle pour abriter les reliques de la Passion . Pendant ce temps la "Tunique du Christ", insigne relique de la Passion, demeure à Argenteuil : Il est peu vraisemblable que Saint-Louis n'ait envisagé de transférer à la Sainte-Chapelle une relique majeure.

III-ÉPILOGUE : L'ANALYSE AU CARBONE 14

A défaut d'une base historique sérieuse (inexistante) on fit appel aux scientifiques en estimant qu'une analyse au Carbone 14 serait plus concluante. Cette analyse fut conduite gracieusement par le C.E.A. dans le cadre d'un protocole élaboré par le ministère de la Culture étroitement associé tout comme l'évêque de Pontoise avec l'accord du Cardinal Lustiger ,archevêque de Paris.Les résultats tombèrent le 28 Mai 2004 : la fourchette de datation se situait entre l'an 530 et l'an 650. Au mieux la Tunique était mérovingienne.Déception certes mais les autorités ecclésiastiques estimèrent à juste titre que cela ne pouvait porter aucun préjudice à la foi des chrétiens. Mgr Renaudin, évêque de Pontoise ne disait-il pas quelques semaines avant sa mort : "La Tunique est très probablement une icône , elle est un support pour la foi.'' ?

IV-LA PORTE OUVERTE A UNE SINGULIÈRE HYPOTHÈSE :

A cette heure le mystère demeure et on peut se perdre en conjectures : si ce vêtement n'est pas la Tunique de Jésus, qu'est-il? Mais cette Tunique n'en est pas forcément une (le vêtement a été recousu sous cette apparence: des fragments de tissus décomposés du "dessous" ont été remplacés par ceux du " dessus".). Si la Tunique n'est pas forcément une on peut formuler une autre hypothèse : Charlemagne se rendait souvent dans sa ''villa - monastère'' de Chelles (dans l'actuelle Seine-et-Marne). Sa sœur Gisèle en était l'abbesse. La fille de Charlemagne , l'abbesse Théodrade d'Argenteuil se joignait en ces moments à sa famille.N'est-il pas possible que Gisèle fît un don à sa nièce abbesse comme elle ? Celui d'un vêtement qu'avait revêtu celle qui fonda le monastère de Chelles vers 540.
Mais qui était-elle ? Il s'agissait de  Clotilde , reine des Francs, épouse de Clovis ...et canonisée en 560.  Ne serait-ce pas, aussi, une belle histoire ?




Extrait ci-dessus de l'émission de Franck Ferrand (L'ombre d'un doute ) 
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